Pénitence à Pampanga

14 avril 2017



Des sabots ? 
Des grelots ? 
Une moto passe et la cadence qui ralentit ... 
... puis reprend. Inchangée.
Bientôt un écho. 
Ou plutôt un canon : d'autres grelots qui emboitent le pas à une mélodie par à-coups cadencée. 

Une autre moto passe. 
Le rythme à nouveau ralentit ... et reprend à nouveau de plus belle...  
Puis encore le trafic qui de son murmure singulier vient perturber le tableau sonore. 
Un canon de grelots.
Dans la circulation. 

Un canon de grelots que la circulation régule ... 

Puis soudain une sonorité distincte. Très brève. Une voix ? Un gémissement. Comme craché. Écorché. Expectoré sans gêne ni finesse. 

Quel est donc cet étrange refrain ? En pleine rue animée. 
Sans nuances sans mélodie. 
Que seule la circulation perturbe. 

Une procession.
Un défilé.
En rythme. 
Régulier.
Cadencé. 
Sans instruments, si ce ne sont ces percussions sur la peau d'un tambour de chair que la douleur de la pénitence recourbe, et la couleur du sacrifice macule ... 

Ce sont des fouets. Ils scandent une procession singulière. 
Hors du temps. Et de nos réalités. 

Fouets qui dansent et battent une mesure sanglante en écho à la succession régulière des pas. Et des pénitents.

Une mesure sans fin.
Monotone.
Canon macabre.
Marche de pénitents sur un chemin brûlant. 
De la rémission des pêchers. De la résurrection de la chair...




Nous sommes à Pampanga. Île de Luzon. Philippines. C'est vendredi Saint et, comme chaque vendredi Saint, annuellement, une vieille tradition met en scène la passion du Christ dans un décor grandeur nature.

Durant toute la journée, on assiste à des processions de pénitents. Qui se flagellent à sang et cheminent vers une mise en scène du Golgotha, au barangay de San Pedro Cutud, dans la ville de San Fernando - Pampanga. Là-bas, tout est prêt pour une réplique sans effets spéciaux de la passion et de la crucifixion du Christ. Sur cette grande place de terre battue, les spectateurs s'agglutinent autour du calvaire. Il attendent l'arrivée du Christ et sa crucifixion. C'est une scène troublante. Dans laquelle se mêlent foi poignante, spectacle déconcertant, et des marchands par paquets ! Ils sont là, les marchands . Tout autour. Comme les marchands du temple. Ce déjà-vu. Une histoire sans fin. Sur cette esplanade de terre battue foulée par des spectateurs ... jouent également des vendeurs de toutes sortes. Vous les entendez crier ? La mélodie du marchand de glace, l'appel du vendeur de parapluies, d'eau, de boissons, de gâteaux ... Comme dans un cinéma mais vivant, l'on vend de tout et n'importe quoi ... pour s'occuper sur fond de spectacle ... pour que l'attente ne soit pas trop dure et que l'on ne ressente pas trop la souffrance de ceux qui l'incarnent en face de nous.



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