" Supers So & Zo bikes "

7 février 2017

Vous connaissez « Mario Bros », ce petit bonhomme qui, avec son pote Luigi, parcoure des mondes en mangeant des champignons, des fleurs, des carapaces de tortues, des étoiles et avance guilleret pour sauver une princesse que des dragons pyromanes ont kidnappé ? Il en existe la version motorisée « Mario Kart » n'est-ce pas ?… et bien en voilà une autre version... car nous, depuis notre départ de Sipalay, nous connaissons « So and Zo bikers » ...

Monde 1 : de Sipalay à Kabankalan

Comme au début de toute partie, les premiers mondes sont finalement plutôt accessibles : nous partons sur des routes assez douces. Ou plutôt : sur une route escarpée mais en douceur : aidés par François, le patron de la guesthouse L&H de Sipalay, qui, par un hasard bienheureux, prend une portion de la même route que nous, mais EN CAMIONNETTE …nous gagnons ainsi des « champignons » et arrivons plus vite et plus reposés que prévu à Kabankalan, sur fond de discussions et de bonne humeur …

À Kabankalan-même, alors que nous nous apprêtons à partir : la pluie se déchaine …(d’emblée, une étoile de moins) ...Nous considérons nous y arrêter pour la nuit mais sa réputation de siège de la NPA* ne nous réjouit guère : téméraires oui, mais nous ne sommes tout de même qu’à notre premier monde. Les paroles de Neil dans la voiture ne nous rassurent guère « il y a des menaces d’enlèvement à Kabankalan ces derniers temps … » De plus la ville ne nous plait pas : route principale encombrée, ciel gris chargé, vieux mobilier routier bétonné de très mauvais gout que quelque groupe rotary ou lions a placé mais pas entretenu … nous enfourchons donc nos vélos direction Himamaylan …

NPA : New People Army, branche armée du communiste party of the Philippines-Marxist-Leninist, officiellement considérée par les États-Unis, l'Europe et le Canada comme organisation terroriste

ciel bien triste à Kabankalan

Monde 2 : de Kabankalan à Himamaylan

C’est un monde très court : dix kilomètres à peine. Les premières difficultés pointent vite le bout de leur nez : pluie rémanente entêtante, grandes flaques de boue, et des camions ! D’innombrables camions bondés de canne à sucre font leur apparition sur le chemin. Nous les évitons (ou plutôt nous évitent-ils). Les sentir passer, presque nous frôler n’est pas une sensation agréable, mais le paysage au loin nous console : les hauteurs de Negros dessinent des traits escarpés sur un fond orageux. La vision est aussi belle qu'angoissante … sommes-nous au bout du monde ?

Arrivés au marché public de Himamaylan, nous commençons à chercher un endroit où nous poser : la nuit approche, la pluie menace, la faim se fait ressentir … nous devons recharger nos batteries. Nous arrivons enfin au « Keros tourist inn », seul hébergement à la ronde. Hotel de passage et peut être même de passe. L’on nous demande combien d’heures nous voulons y rester. Nous optons pour la formule « 5pm to 8am ». Hotel décrépit, façonné par le temps et l’usure … ça aussi, c’est les Philippines … Avant de dormir, les camions nous bercent. Leur passage fait trembler notre lit … et nous repensons à ce que nous ont raconté les propriétaires du « barbecue de rue » d’à côté : les camions de canne à sucre sont autorisés à rouler avec 20 tonnes de chargement maximum mais la nuit, les policiers dorment et, sans risque de contrôle, leur chargement triple : ils roulent avec 60 tonnes !!! Negros est le grenier du sucre des Philippines. Héritage séculaire, commencé avec les barons du sucre qui y développèrent des empires, remplaçant un environnement riche de 95% de forêts par de la monoculture intensive, réduisant à une peau de chagrin la surface de la foret (à peine 5% à présent) …

Monde 3 : de Himamaylan à Bago

Ce monde a été beaucoup plus long : quelque 56 kilomètres. Au cours desquels … nous repartons sur une route tellement cabossée que nous avons l’impression d’avancer par rebonds. Nous repensons alors à l’histoire du chargement excessif des camions nocturnes. Résultat : les routes sont en piteux état, et nous zigzaguons entre les portions de routes en travaux et de routes reconstituées.

Première étape : Hinigaran. Belle église, la plus ancienne de Negros dit-on, cloches centenaires, nous reprenons des forces dans une grande carenderia** à côté de l’église. Nous nous régalons : tambo, salade aigre-douce de papayes et de la viandasse, of course ! (vas-y pour être végétarien aux Philippines !)

** carenderia ou eatery ou canteen : petite cantine de rue où des plats sont exposés. Il n'y a plus qu'à choisir ...à la mode des tapas espagnoles

église de Sainte Marie Madeleine de Hinigaran
cloche centenaire de l'église d'Hinigaran

Deuxième étape : Pontevedra. Nous nous arrêtons dans un sari-sari, sa propriétaire insiste pour faire des photos avec elle, avant que la pluie ne dessine un voile d’eau à des kilomètres à la ronde. Nous perdons d’un coup nos étoiles, nos champignons, nos fleurs et nos carapaces de tortue. Nous sommes tout petits dans une nature qui nous immobilise. Bloqués. Pendant près d’une heure.

Nous reprenons la route alors jusque Enrique. Quelques kilomètres avant une deuxième douche. Cette fois, la douche céleste nous sera bénéfique. Nous en profitons pour consulter maps.me qui nous indique une route parallèle : la Spanish old route. Elle longe la côte et il est possible de l’emprunter pour arriver à Valladolid, prochaine étape. Qu’il fait bon de ne plus devoir éviter de camions. Nous nous faufilons sur de petites routes bordant des maisons de pêcheurs. Tout autour de nous, la vie quotidienne défile. Nous avons cependant à éviter d’autres obstacles : des dos d’âne en béton posés à intervalles irréguliers variant des 2 aux 5 aux 10 mètres. Ce que nous entrevoyons tout autour corse la donne : il est difficile de se concentrer sur la route,( note de zozo: soso préférant regarder tout autour d'elle, manque à plusieurs reprises de perdre ses bagages!) notre regard étant attiré par une multitude d’élevages de coqs ! Negros ce n’est pas seulement la culture de la canne à sucre mais également l’élevage de coqs exportés aux quatre coins de Philippines !

Nous arrivons finalement à la charmante Valladolid où une pause « champignon » nous attend : petite carenderia, delicacies philippines chez Bongbong (chaine de pâtisseries originairement de Bacolod), visite d’une belle église, nous sommes retapés, et c’est reparti pour la dernière ligne droite vers Bago.

our lady of Guadalupe church - Valladolid
À la sortie de Valladolid, la vue sur Guimaras, l’ile voisine, est magnifique …elle nous ressource et nous confère une étoile qui nous fait filer jusque Bago, ville trafiquée et vivante, immense marché et un seul hôtel : lit séparés, prix peu compétitif, pas top pour un voyage de noces … nous demandons alors à deux policiers s’ils ne connaitraient pas un resort au bord de l’eau pour passer la dernière nuit avant Bacolod la grande …

Monde 4 : une nuit à Bago au bord de l’eau

Dans « Mario bross », Mario et Luigi arrivent tôt ou tard, à chaque fin de monde, dans la caverne du dragon : il y fait tout noir, la musique change et passe de guillerette à angoissante. Tout à coup apparait alors un dragon qui lance sur Mario des boules de feu telles de gros microbes qui affaiblissent le petit bonhomme…

Dans notre monde, la nuit tomba à Bago.

La seule pension de la ville n’avait pourtant rien de bien vilain : dans une bâtisse d’intérieur art déco, au bord du marché animé dans lequel on aurait surement trouvé de très bonnes choses à manger … mais de son petit côté charmant, à la pension, nous nous en sommes rendu compte que trop tard... Les policiers, dans un élan de gentillesse, voulant certainement combler leur faible compréhension de l’anglais, nous escortent jusqu’au resort.

Nous sortons de Bago et, après quelques kilomètres, nous prenons une petite ruelle sur la gauche. Nous traversons quelques étendues d’eau, nous sentons déjà l’odeur de la mer de notre petit coin de paradis pour la nuit … Quelques petites baraques typiques, des enfants qui jouent dans la rue, le béton qui s’arrête pour du sable : que c’est rustique ! Nature intouchée ! Une petite rue sur la droite « c’est pas un coupe-gorge hein zozo ? » nous mène à un grand portail : le resort ! « tiens zozo, la pancarte là " à vendre" c’est bizarre … »

... Une gentille dame nous accueille. Nous sommes contents d’être arrivés, ça a l’air typique et nous marchandons un prix défiant toute concurrence.

Certes, le bungalow est un peu défraichi, mais c’est le filipino style après tout … Nous nous apprêtons à nous installer lorsque les policiers nous demandent si nous n’allons pas faire un plongeon en pointant de leur doigt bien gras la direction de la mer… nous leur répondons que surement demain car ce soir il est déjà tard …et nous avons le malheur de regarder dans la direction pointée par leur doigt : vision d’horreur.

Il est là.

Le dragon...

... surement tapi quelque part, lançant ses microbes telles des boules de feu toxiques ...

La nuit tombe. Nous venons d’accepter de passer la nuit ici, et, au bord de l’eau : une plage...

... que des déchets en tout genre, rejetés à raison par la mer, ont recouvert !! Si nous piquons une plonge dans ce merdier, nous tombons malades à coup sûr ! « merci messieurs les policiers pour ce petit endroit de rêves ... »


Nous ne sommes pas au bout de nos surprises et nous passons une soirée dans cet hôtel de passe ! Oui ! De passe ! La chambre se loue à l’heure !

Nous nous consolons alors à coups de Red horse (bière philippine) sur notre terrasse, avec tous les voisins du « resort » et leur famille qui s'auto-invitent à notre table, curieux de notre présence. Ils nous parlent exclusivement en ilongo (dialecte de cette partie des Philippines) ! Une petite de neuf ans nous sert d'interprète.

La soirée est mémorable mais nous quittons les lieux avec de la peine au coeur … endroit où en cachette la terre dégueule son trop plein d’ordures, au bord d’une rive où viennent s’échouer des couples en mal d’amour … Cet endroit n’a pas même de nom. Comme s’il n’existait pas. Et notre sentiment de tristesse n’y changera rien …

Monde 5 : Bacolod

Dernière ligne droite. Dix premiers kilomètres de deux doubles voies nous mènent aux portes de Bacolod. S’ensuivent ensuite dix autres kilomètres d’une deux fois trois voies voilée par le rejet de pots d’échappements bruyants. Comme Mario et Luigi, nous évitons les passants, les jeepneys qui se faufilent et se rabattent, les camions, les bus, les tricycles, les enfants, les chiens errants … et arrivons enfin, dans une petite pension, installée dans une rue de traverse à la grande Lacson avenue. Petite rue étrangement calme. Et arborée … quel monde de contrastes !

... Que va donc nous réserver Bacolod ?! ...

Petit récapitulatif de notre trajet :

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